Juste un petit message, j'ai besoin de faire le point sur ce que je ressens.
Quelques jours ont passé, je suis encore totalement sous le choc.
Comme beaucoup... cette boule au ventre, qui ne part pas, qui est là continuellement dès le réveil.
J'évite les sites d'info, et leur florilège de commentaires, je me tiens au courant des évènements sur Twitter et Facebook.
Les réactions des collègues, des amis... pleins d'espoir, qui disent que Charlie n'est pas mort...
Que Charlie va se relever...
Que Charlie vivra...
...
Mais que faire?
Comment résister? Comment dire aux terroristes "Vous ne gagnerez pas. Vous ne nous faites pas peur."
Qu'est-ce que je peux faire, moi, en tant que dessinatrice?
Dessiner les victimes qui bavardent au paradis?
Non.
Dessiner des crayons de papier et des gommes qui se battent contre des Kalachnikov? Du sang sur du papier?
Non.
Dessiner leur prophète?
Oui.
Qui le fait? Personne.
Est-ce que je le ferai? Non.
Est-ce que j'en ai envie? Oui, putain.
Pourquoi je ne le ferai pas? Parce que j'ai PEUR, putain, je suis TERRORISÉE. Même en vivant à 9000 km de la France, j'ai les BOULES de ces tarés. Et je ne ferai jamais rien de risqué...
Pas de caricatures... pas de dessin...
Quand je vois l'image du crayon brisé en deux, qui donne deux crayons, j'ai envie de chialer, car j'aimerais y croire, j'aimerais vraiment, mais n'empêche... à ma connaissance, personne n'a osé. Peut-être que quelqu'un le fera... résister, tenir tête... en tout cas, ce ne sera pas moi, et croyez bien que je le regrette.
J'ai trop peur.
Je préfère vivre à genoux que mourir debout, moi, je n'ai pas le courage de Charb et des autres. Je sais, c'est minable, c'est lâche, il n'y a pas de quoi être fier.
J'espère sincèrement qu'il y aura des héros comme Charb, Cabu, Honoré, Tignous, Wolinski, qui vont résister et qui auront ce courage. Qui diront "on vous emmerde" aux obscurantistes et qui prouveront que la liberté d'expression existe encore bel et bien.
J'espère que les caricatures qui sont à l'origine de cette épouvantable tragédie seront reprises... publiées... voire qu'il y en aura de nouvelles, par d'autres dessinateurs de talent, dans Charlie Hebdo ou d'autres médias.
Ça, ce serait vraiment rendre hommage à la mémoire des victimes. Continuer leur lutte. Moi, je ne peux pas. Désolée.